Le ‘Cacio e Pepe’ : une science de la perfection

3 mars 2025

La recette semble d’une simplicité déconcertante : des pâtes, du pecorino, du poivre. Pourtant, derrière cette apparente facilité se cache une véritable alchimie. L’équilibre des saveurs et l’onctuosité de la sauce ne laissent aucune place à l’approximation. Une mauvaise manipulation, et tout peut basculer.

Conscients des défis que pose cette recette emblématique, des chercheurs ont décidé d’en percer les mystères afin d’en garantir la réussite.

Une tradition vieille de plusieurs siècles

Dans leur étude, les scientifiques rappellent les origines pastorales du cacio e pepe. Ce plat aurait été imaginé par des bergers qui, durant leurs longs périples, emportaient avec eux des aliments riches en calories et faciles à conserver. Aujourd’hui, cette spécialité est une véritable institution romaine, un monument culinaire que l’on n’ose pas altérer.

C’est pourtant avec la plus grande rigueur scientifique que huit chercheurs italiens, issus d’universités européennes, ont entrepris une analyse thermodynamique de la recette. « J’espère que huit auteurs italiens suffiront », plaisante Ivan Di Terlizzi, physicien statisticien à l’Institut Max Planck en Allemagne, dans une interview accordée au New York Times. Leur étude, publiée sur le site de l’Université Cornell à New York, affirme avoir scientifiquement optimisé la recette du cacio e pepe.

L’amidon, clé de la sauce parfaite

L’équipe est partie d’un postulat bien connu : pour obtenir une sauce crémeuse, il faut utiliser l’eau de cuisson des pâtes, riche en amidon. Mais cette technique a une limite : au contact de l’eau chaude, les protéines du fromage coagulent, provoquant l’apparition de grumeaux.

Déterminés à résoudre ce problème, les chercheurs ont mené une série d’expériences. En laboratoire, ils ont chauffé la sauce à différentes températures et testé divers niveaux d’amidon. Ils ont ensuite analysé chaque échantillon à l’aide de récipients en verre éclairés par en dessous, afin d’observer la formation des grumeaux.

Un ingrédient inattendu pour un résultat optimal

Leurs conclusions sont surprenantes : l’eau de cuisson des pâtes ne contient pas assez d’amidon pour assurer une texture parfaite. Ils ont donc décidé de la remplacer par un autre ingrédient : la fécule de maïs. Leur méthode consiste à diluer cette fécule dans de l’eau pure, à la chauffer, puis à l’intégrer à la sauce.

Grâce à leurs observations, ils ont déterminé la proportion idéale d’amidon : entre 2 et 3 % du poids du fromage. En termes concrets, pour préparer un cacio e pepe parfait pour deux personnes, il faut :

  • 240 g de pâtes (idéalement des tonnarelli)
  • 160 g de pecorino
  • 4 g de fécule de maïs
  • Du poivre noir

Un travail d’orfèvre salué par les experts

Nathan Myhrvold, ancien directeur technique de Microsoft et passionné de cuisine, a salué cette étude comme un travail remarquable. L’un des co-auteurs, Giacomo Bartolucci, biophysicien à l’Université de Barcelone, révèle que cinq kilos de pecorino ont été utilisés au cours de leurs tests. Et rien n’a été perdu : « Nos amis passaient nous voir pour observer nos expériences… et nous aider à tout goûter ! »

Le cacio e pepe n’a peut-être jamais été aussi bien maîtrisé. Grâce à la science, cette icône de la cuisine italienne se voit désormais déclinée sous une version optimisée, où tradition et innovation se rencontrent pour sublimer un plat intemporel.

La Rédac