Effets mers, âmes terres

Il faut arrêter le temps et venir jusqu'ici, jusqu'à cette maison bien cachée au tout début de la Chaussée de Waterloo, face à la Porte de Hal. Seules de belles peintures graffées à même les vitres autorisent à identifier le lieu. Une fois le pied dans la très grande salle à manger, tout  n’est esprit manufacturier, murs de briques et crabes collés, tables en bois brut et long comptoir à l’avant.

Dix ans déjà que Yoth Ondara est à la mène de cette adresse inclassable, tant elle respire et la liberté et les influences de ses origines. Né d’Asie(s), grandi dans la France du Sud, l’homme révèle comme aucun autre ses deux identités. Chef impitoyable sur la noblesse des produits ultra-sourcés qu’il élit, sa cuisine est une valse riche, révélant une brutalité presque poétique. Il s’empare des produits sans les transformer, mieux il les porte pour en révéler leur essence naturelle.

Les assiettes se composent au rythme des pêches et des trouvailles terrestres : Saint-Jacques, huile citron, noisettes, l’un des bestseller du lieu ; Anguille fumée, chou-fleur, foie gras ; Palourdes, saké, herbes ; Couteaux aux kumquats ; ou encore la finesse des Saint-Jacques, lard toscan, potimarron ; Moules et chorizo.
Avec la douce complicité de Van, sa compagne, Yoth Ondara signe à chaque plat une histoire : celle d’un paysage et de ses saisons. Rameutant au passage des terroirs d’ici et d’ailleurs pour les laisser s'exprimer dans une sorte de douceur intense : Daurade, piment padron, shiitake ; Paëlla de tourteau, chorizo ; Spaghetti aux oursins, burrata, à tomber ; Veau, bonite séchée, épinards ; Cochon croquant, poulpe, carottes, un autre succès ; Canard aux épices, coques, chou. Et de finir sur une Ganache chocolat, sésame et fleur de sel, diabolique. Autant de best-sellers écrits à l’indélébile au tableau comme autant de plats immuables, tant les fans les réclament.

Entre effets mers et âmes terres, on vit ici des moments de table particuliers, au travers de compositions qui ne peuvent se recevoir que de leurs mains et qui ne peuvent se vivre que dans leurs murs.

LD